Pourquoi avez-vous qualifié la dernière réunion sur le climat, tenue à Varsovie en novembre 2013, de « conférence sur la justice organisée par la mafia » ?
C'était une expression assez sévère, mais que penser de négociations climatiques de l'ONU qui se tiennent alors qu'au même moment le pays qui organise la rencontre accueille un sommet mondial... du charbon et du climat ? La tendance était donnée puisque parler de charbon propre, c'est comme parler de pollution propre, cela n'existe pas. Or, une chose est claire: si nous ne voulons pas dépasser les 2° d'augmentation des températures d'ici 2050, il faut laisser plus de 50 % des réserves connues de pétrole, de charbon et de gaz, là où elles sont, c'est-à-dire dans le sol. On n'en prend pas le chemin. Bien sûr, les réserves de charbon nous permettraient de tenir près de 200 ans au rythme de consommation actuel. Mais si nous les consommons, en plus des réserves de pétrole et de gaz qui nous assurent environ 60 ans de consommation, la hausse des températures sera de 5 à 6°. C'est impossible à tenir.
Comment expliquez-vous le succès actuel du charbon ?
Il s'explique essentiellement par une raison économique qui tient au très mauvais fonctionnement du marché carbone. Le prix de la tonne de carbone s'est effondré et s'accroche aujourd'hui à 3 euros. Ceci parce que l'offre, le montant des quotas, a été fixée à un niveau beaucoup trop élevé. Les Etats qui décident de leur niveau pensent surtout à l'intérêt de leurs industries qui souffriraient trop de la hausse du prix, notamment de l'acier. Résultat, il n'est pas du tout intéressant de développer de nouvelles énergies, puisque produire du charbon, gros émetteur de CO2, ne coûte pas assez cher pour que l'on envisage une telle substitution. C'est une attitude déraisonnable, comme serait celle d'un fumeur atteint d'un cancer des poumons et qui continue à fumer deux paquets de cigarettes par jour. On peut facilement prédire son avenir ! On dit aussi que l'Allemagne, sortie du nucléaire, va désormais se servir massivement du charbon. Mais il faut regarder la tendance longue : le charbon était utilisé à hauteur de 45 % pour la production d'électricité en Allemagne en 1990, aujourd'hui ils sont à 35 % et ils ont des objectifs colossaux pour accroître la part des énergies renouvelables.
Arrêter la production de charbon ne condamnerait-il pas des centaines de millions d'habitants de pays du Sud à vivre dans l'obscurité ?
C'est le genre d'arguments que les fabricants de chandelle devaient avancer devant les progrès de l'électricité ! Si on veut faire une analogie, il doit y avoir 5 milliards de téléphones portables dans le monde et beaucoup moins de téléphones fixes! Je ne vois pas pourquoi ces pays là devraient utiliser une énergie fossile qui n'est pas une énergie d'avenir. Pourquoi produire massivement du charbon pour faire de l'électricité alors qu'ils se servent depuis longtemps des panneaux photovoltaïques ? Cela n'a pas de sens. Revenir au charbon est à coup sûr une aberration.