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23 août 2011

Dette : le réalisme n'est qu'une partie de la solution

Si, pendant des années, la problématique de la dette semblait désintéresser la majeure partie de la classe politique, voila qu’aujourd’hui elle s’impose comme un axe structurant de ce début de campagne présidentielle. A la bonne heure ! Car au-delà de l’importance centrale de cette question (qui n’est pas à démontrer), elle permet surtout de révéler des paradoxes et des contradictions au sein même des mouvements politiques, et conduit les citoyens à reconnaître que la politique ne se résume pas simplement à une opposition binaire « gauche » contre « droite ». Peut-être assistons nous à l’émergence d’une nouvelle organisation des idées, moins fondée sur des postures médiatiques mais davantage préoccupée par les idées et, plus important encore, par la cohérence entre celles-ci ? En tout cas, l’exemple du débat qui traverse actuellement le mouvement écologiste semble confirmer ce constat.

Les récentes tribunes de Laurence VICHNIEVSKY ne sont pas passées inaperçues. Comment auraient-elles pu ? Alors qu’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) tente de faire croire à l’opinion que la candidature d’Eva JOLY rassemble toutes les familles écologistes, et notamment derrière un discours idéologique très marqué à gauche, la porte-parole du mouvement vient à son tour rompre cette apparence de consensus, non pas sur des postures médiatiques comme Nicolas HULOT avant elle, ou stratégiques comme Daniel COHN-BENDIT, mais sur des oppositions d’idées et de projet. Pour Laurence VICHNIEVSKY, le projet présidentiel d’EELV n’est pas réaliste, et le traitement de la problématique de la dette en est la cruelle illustration.

Sur le fond, les propositions de l’ex-magistrate en rébellion sont discutables pour certaines, et notamment la plus emblématique : l’impossible retour à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Car si, en apparence, le bon sens économique semble condamner définitivement ce droit social, d’un point de vue purement technique, l’allongement de ce paramètre (à ne pas confondre avec l’âge de départ à taux plein qui est passé de 65 à 67 ans) n’est qu’un coup d’épée dans l’eau pour sauver le système des retraites : outre le fait que peu de gens partaient réellement à 60 ans (essentiellement les ouvriers, les victimes de carrières longues et pénibles ou encore les femmes), ce qui rend marginale l’économie générale réalisée, il faut comprendre que la mesure a surtout pour effet de réduire indirectement le montant des pensions (par le jeu des décôtes remaniées), de prolonger le temps d’assurance sociale des séniors sans emploi, et donc, d’alourdir le poids financier de la précarité sur le système dans son ensemble. Il n’est pas certain que notre dette publique s’en trouve significativement allégée !

Mais sur la méthode, Laurence VICHNIEVSKY a raison : les partis et leurs candidats doivent proposer des solutions inspirées du principe de réalité, et non, comme le font les élites d’EELV, à partir des vieux dogmes politiques d’une gauche en mal de revanche électorale. L’erreur de Madame VICHNIEVSKY est de confondre réalisme avec austérité. Il reste néanmoins une marge de discussion possible entre ce qu’elle propose et ce qui doit être, au final, engagé lors de la nouvelle mandature.

Réduire le poids de l’Etat Providence, et d’une manière générale de la sphère publique ? D’accord, à condition d’une part que l’on renforce, que l’on développe et que l’on s’appuie sur l’Economie sociale et solidaire (laquelle ignore les logiques boursières et actionnariales, et qui donc agit pour l’intérêt général : les mutuelles, les coopératives, les associations…) pour assumer les transferts opérés ; d’autre part que l’Etat Providence qui reste après transferts, se concentre exclusivement et activement sur la lutte contre la pauvreté et les précarités (il est grand temps !)

N’ayons cesse de rappeler qu’il existe en France et en Europe des investisseurs et des entrepreneurs socialement responsables en qui nous pouvons faire toute confiance pour agir au nom de l’intérêt général, main dans la main avec l’Etat. Les pourfendeurs de l’Economie de marché l’omettent systématiquement dans leurs analyses. Pourtant ces forces sociétales d’un autre genre sont la solution à beaucoup de nos problèmes.

Quant à revenir à un taux d’endettement raisonnable, ainsi que l’exige le Pacte de stabilité ? Evidemment que nous devons tous nous donner cet objectif. Mais à condition de planifier cette réduction de manière transparente par une loi de programmation (proposée à juste titre par François HOLLANDE), et par des mesures qui n’interdiront pas aux pouvoirs publics d’engager immédiatement de nouvelles dépenses publiques d’investissement susceptibles de relancer une consommation respectueuse de l’environnement et de la santé.

Ce discours là, hélas, reste confidentiel au sein de la mouvance écologiste.

EELV, empêtrée dans son dogme de la décroissance, dans sa haine viscérale et aveugle du Marché et, disons le, dans sa surenchère à gauche avec la direction actuelle du Parti socialiste et le Front de gauche, ridiculise in fine l’écologie politique aux yeux des Français. Car plutôt que de promouvoir une nouvelle société où la régulation, l’éthique et la responsabilité sociétale seraient les garants de la justice sociale, de l’efficience environnementale et de la réconciliation indispensable des sphères publiques et privées, EELV nous propose une société de conflits simplistes, et parfois factices - entre les riches et les pauvres, entre les mécréants et les vertueux, entre les xénophobes et les tolérants, entre les militaristes et les pacifistes… - cette même société qui, depuis le 19ème siècle, n’a jamais su dépasser ses oppositions idéologiques, au point d’aboutir aux crises que nous subissons aujourd’hui : fragilisation de l’idéal Républicain, délitement des solidarités, augmentation des peurs et des violences...

Ceux qui disent que ces maux sont le fruit du capitalisme, du Marché et du conservatisme se trompent, et échoueront demain s’ils parvenaient au pouvoir. Nous souffrons tous (que nous soyons de gauche, de droite, du centre ou d’ailleurs) parce que nous avons été incapables de proposer aux Français un projet de société qui leur permettrait de se réconcilier, quels que soient leurs postures idéologiques aujourd’hui. Parce que nous persistons à désigner du doigt le camp d’en face, comme étant les affreux méchants qui détruisent notre société. Parce qu’à force d’ancrer la politique dans un schéma idéologique conflictuel et binaire, hérité des siècles passés, nous avons passé plus de temps à diviser la société qu’à construire quelque chose de différent, de fédérateur et d’efficace.

Si la problématique de la dette a un sens, c’est celui-là que nous devons retenir : c’est un chantier immense qui invite à penser une nouvelle société ; qui exige que nous laissions derrière nous les entraves de nos idéologies passées, chacune d’elle ayant démontré son incapacité à répondre à nos besoins (sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs).

La dette est un défi fédérateur, qui ne se résoudra que si nous plaçons les principes de réalisme et d’innovation au coeur de nos préoccupations politiques.

Laurence VICHNIEVSKY a bien évidemment raison de nous rappeler le principe de réalisme. Nous devons à notre tour lui rappeler l’importance d’y associer le principe d’innovation, qui ne se conjugue pas nécessairement avec l’austérité.

Source : Tribune de Benoît PETIT, CAP21, secrétaire exécutif national en charge du projet

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